Intérêt pédagogique : 

L'intérêt d'étudier Yourcenar à l'école, dans le programme de rhétorique, peut s'entendre comme suit. L'œuvre dans son intégralité constitue une réflexion intéressante sur la condition humaine à travers des personnages qui se situent souvent dans des époques étudiées dans d'autres cours, langues classiques et/ou Histoire.

Voir une adaptation dramatique d'une œuvre écrite constitue une excellente porte d'entrée qui ouvre des perspectives d'études de l'auteur en question. Voir la pièce après avoir étudié l'auteur en classe ou voir la pièce comme introduction à un cours sur l'auteur, les deux solutions sont également avantageuses, et on peut souhaiter que les classes aient plus souvent l'occasion de sortir des murs de l'école pour aller s'ouvrir à la réalité, notamment dans les théâtres. Notre expérience indique que les collègues des écoles sont généralement ravis de l'occasion qui leur est donnée de compléter leurs cours par une activité extérieure plus proche de la réalité artistique des œuvres étudiées, qu'il s'agisse de véritables pièces, écrites pour le théâtre, ou d'adaptations dramatiques d'œuvres littéraires, comme c'est le cas dans le spectacle que nous proposons ici.

Pour peu que l'on considère le sujet comme spécifique, on peut également utiliser à la fois certaines parties de l'œuvre de Yourcenar et les éléments connus de sa biographie pour commenter certains aspects de la condition féminine, notamment de la condition de l'artiste au féminin, ainsi que les aléas de la vie affective, en ce qu'ils sont à la fois décrits dans nombre de ses œuvres (c'est notamment le thème du spectacle proposé ici) et très présents aussi à travers ses biographies, nous parlons ici de celles qui ont été publiées, notamment par Josyane Savigneau en 1990 chez Gallimard et par Michèle Sarde chez Laffont en 1995.

Ces écrivaines se sont notamment intéressées à la sexualité d'une auteur dont l'anticonformisme a déconcerté plus d'un, notamment dans cet aspect particulier de sa vie, mais qui devrait porter à s'interroger, on l'espère, un public jeune en quête de valeurs.

C'est ainsi que le spectacle proposé ici pourrait également être vu, de notre point de vue, dans le cadre d'un cours de morale portant sur la sexualité, la vie affective et l'amour, à une époque où ce genre de cours peut sembler plus indispensable que jamais, quand on pense à l'ambiance délétère de ces dernières années, et au surinvestissement médiatique des milieux réactionnaires et de l'Eglise catholique pour faire revenir la jeunesse à des valeurs qui ont assez démontré leur nature liberticide, mais que ces milieux-là rêvent tout de même de resservir à nos enfants. Sans parler de certaines autres formes d'obscurantisme religieux, qui entendent également s'insinuer dans les écoles et les cerveaux de la jeunesse à la faveur des phénomènes d'une mobilité certes souhaitable, mais surtout très lourde de défis politiques.

Tout ceci est assurément particulièrement dangereux pour le monde, quand on pense aux défis éthiques qui sont et seront encore posés à nos sociétés, notamment par le progrès scientifique, dans les décennies à venir. Dans ce contexte plus que difficile, il est donc souhaitable que les artistes et autres penseurs puissent trouver des lieux pour s'exprimer et des occasions de le faire afin que ce qu'ils ont à dire puisse atteindre le citoyen, et notamment le citoyen en formation dans sa période scolaire.

C'est un des intérêts majeurs de Marguerite Yourcenar d'avoir fait preuve d'une grande ouverture d'esprit face aux athéismes comme face aux religions, aux politiques comme aux philosophies. Sans jamais la moindre trace de manichéisme, elle a trié pour nous dans nombre de ces disciplines, croyances et connaissances. Ainsi, elle nous traduisit des poètes grecs, des négro spirituals et Virginia Woolf. Elle fit vibrer pour nous La voix des choses , recueil de pensées de toutes époques et provenances. Elle nous livra une biographie peu classique de Mishima, nous entraîna sur la tombe de Federico Garcia Lorca, elle nous parla de Tagore et de Castaneda.

Exemplaire et sans limite en toutes formes d'amour, douée de ce qu'il manque à beaucoup, une extraordinaire faculté d'imaginer et de se mettre à la place de l'autre, qui lui faisait embrasser et comprendre ce que ses yeux ne pouvaient lui montrer, on ne s'étonnera pas que son souci de mieux-être ne se limita pas à ses seuls frères humains. Ecolo avant l'heure, elle s'engagea dans la défense des animaux et de l'environnement. L'imagination, cette « magie sympathique », comme elle l'appelait, aide à comprendre les arguments d'un interlocuteur

et à ressentir la souffrance de l'autre, quel que soit cet autre. C'est tout naturellement qu'elle se souciait de « l'égalité totale de tous les êtres humains sans distinction de sexe et de couleur. Et pourquoi pas l'égalité de tous les êtres sans distinction d'espèce ? » (Lettres à des amis et quelques autres, Folio).

Assurément des valeurs qui trouveront leur place dans les cours concernés !

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